C’est une victoire pour Maurice : la résolution sur les Chagos a été adoptée, ce jeudi 22 juin, lors de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies. 94 pays ont soutenu la démarche de Maurice, 15 ont voté contre la résolution et il y a eu 65 abstentions.
Par cette résolution, l’Assemblée demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif pour déterminer si le processus de décolonisation a été « validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international ». Elle lui demande aussi de se prononcer sur les conséquences en droit international « du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne l’impossibilité pour Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses ressortissants, en particulier ceux d’origine chagossienne ».
Commentant « une distraction », « un obstacle aux discussions bilatérales » et « un précédent terrible pour l’Assemblée générale et la Cour », le représentant du Royaume-Uni s’est d’abord étonné que la résolution lie les anciens habitants de l’archipel à la question de la souveraineté britannique, parce que, durant les trois séries de pourparlers bilatéraux engagées depuis le mois de septembre, Maurice n’y a fait que de « légères allusions », se concentrant plutôt sur le transfert de souveraineté.
Le fait est, a souligné le représentant, que nous avons négocié en 1965 le détachement de l’archipel avec les représentants élus de Maurice, les mêmes avec lesquels nous négocions séparément l’indépendance du pays. Pour les Chagos, ils ont négocié une compensation que le Royaume-Uni a payée. Ils ont aussi négocié des droits et obtenu l’engagement de récupérer l’archipel quand il ne sera plus nécessaire à la stratégie de défense britannique.
Sir Anerood Jugnauth, ministre Mentor et dernier survivant des participants à la Conférence constitutionnelle de 1965, a tranché: « le consentement de la colonie de Maurice –si consentement il y a eu– ne saurait justifier une violation de la Charte des Nations Unies ». En tant qu’État indépendant, a-t-il martelé, Maurice n’a jamais conclu d’accord sur le « démembrement » de son territoire.
Ce « démembrement » obtenu sous la contrainte, sans le consentement des Mauriciens et avec le déplacement des habitants de l’archipel, a été réalisé en violation du droit des peuples à l’autodétermination et des droits de l’homme. « Aucune compensation financière » ne saurait justifier la violation de ces principes », a ajouté le Ministre.
Il a rappelé que l’ONU avait donné au Royaume-Uni jusqu’à juin 2017 pour finaliser les pourparlers, lesquels ont été vains, car le Royaume-Uni a refusé de fixer une date butoir, « voire a refusé de parler de décolonisation ».
« Nous ne pouvons pas nous engager », a confirmé le représentant britannique. L’archipel des Chagos fait depuis 1966 l’objet d’un accord de coopération militaire avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas, 19 ans avant la fin de l’accord, prédire ce que sera notre stratégie de défense, s’est-il expliqué.
La base de Diego Garcia, a-t-il tenu à souligner, contribue « de manière essentielle » à la sécurité et à la stabilité régionales et internationales, en particulier l’océan Indien, dont Maurice. Elle joue un rôle « critique » dans la lutte contre les défis les plus complexes et les plus urgents du XXIe siècle comme le terrorisme, la criminalité internationale, la piraterie ou toute autre forme d’instabilité, a insisté le représentant, en répétant que quand le territoire ne sera plus nécessaire, sa souveraineté passera à Maurice. Il a aussi pronostiqué que la CIJ ne se saisira pas de l’affaire parce qu’elle concerne un différend bilatéral entre deux États Membres de l’ONU.
« Demander un avis consultatif à la Cour ne menace ni la paix ni la sécurité », a déclaré Sir Anerood Jugnauth, assurant le Royaume-Uni et les États-Unis qu’un contrôle effectif de Maurice sur l’archipel des Chagos ne représenterait en aucune façon une menace sur la base militaire de Diego Garcia, des assurances que le représentant du Royaume-Uni a jugées « sans crédibilité », voyant dans la démarche de Maurice et de l’Assemblée générale une tentative de contourner le principe « essentiel » selon lequel un État n’est pas obligé, sans son consentement, de voir ses différends bilatéraux soumis à un règlement judiciaire.