Musclé là-bas; Muselé ici

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Crédit photo: laprovence.com

Par Amanoola Khayrattee

Leurs actions se sont avérées payantes, chez notre voisine, l’île de la Réunion. Plusieurs jours de mobilisation, de manifestations et de blocage des routes sur des points stratégiques. Et voilà que les “gilets jaunes”, nom par lequel est connu ce mouvement populaire dans la république française, ont obtenu le gel de la taxe sur le carburant pour trois ans.

C’était une de leurs principales revendications autour la hausse continue du coût de la vie. Mais l’issue de la mobilisation avec cette “victoire”, n’a pas été sans heurts. La situation s’est vite dégénérée d’une façon sporadique et a gagné divers régions urbaines. Les “gilets jaunes” nient toute responsabilité dans les violences qui ont suivi leurs actions qu’ils considèrent pacifiques, disant qu’il y en a qui veulent profiter de la situation pour semer la confusion.

Et pour cause. Certains semblent avoir profités de ces manifestations pour casser, piller, saccager et incendier des commerces. Ceux-là sont ceux que l’on reconnait comme des jeunes délinquants ou chômeurs, cagoulés, armés et souvent sous l’influence de l’alcool. On les surnomme dans la conjoncture les “gilets noirs”. Ils sont considérés “socialement pauvres” et vulnérables.

On estime que pas moins de 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté a l’île soeur. Le chômage, lui, tournerait autour de 20 %, de quoi occasionner une situation explosive.

La situation était devenu telle que le préfet a dû avoir recours au couvre-feu durant trois jours de 21h à 6h dans pas moins de14 communes les plus touchés sur les 24. Il a même dû faire appel aux renforts qui sont arrivés de Mayotte.

Le président Emmanuel Macron, pour sa part, se veut intraitable: “Nos militaires seront mobilisés pour rétablir l’ordre public. Nous serons intraitables car on ne peut pas accepter les scènes que nous avons vues».

En métropole justement cette mobilisation qui avait débuté avec au moins 300,000 manifestants le 17 novembre a, au fil des jours, diminués de son ampleur pour ne compter qu’environ 5000 aux dernières nouvelles de ce jeudi 22 novembre. Et ce en attendant le rendez-vous de 24 novembre à Paris.

Tandis qu’à Maurice la population “bon enfant” agit en spectateur face à des situations qui la rendent vulnérable. Et pourtant le prix du carburant est tout aussi un sujet qui divise. Mais le problème chez nous est beaucoup plus politique.

Au début de l’année on a été témoin d’une mesure allant dans la direction de l’allègement de la pauvreté avec l’instauration du salaire minimum, établit à Rs 8500 par mois. Une mesure dont le principe a été attendu depuis assez longtemps par les syndicats et qui a donc ouvert la voie à d’autres revendications un vue d’améliorer le niveau de vie des citoyens. L’alignement de la pension de vieillesse en est une qu’on parle de plus en plus. Les politiciens en savent quelque chose car cette frange de la population constitue un atout majeur pour les élections.

Le chômage ne semble nullement alarmant avec un taux de 7% et un nombre croissant des PMEs qui contribuent 54.6% à l’emploi et 40% au produit intérieur brut, d’après Statistics Mauritius. Ce qui est de loin meilleur que celui de l’île française.

Mais ce qui inquiète la population chez nous en ce moment, parmi tant d’autres, c’est la démarche du gouvernement en place de durcir la loi en ce qui concerne les contenus en ligne. Ainsi tout contenu qui serait susceptible de donner lieu à: “annoyance, humiliation, inconvenience, distress and anxiety” pourrait être passible de poursuite et d’une peine d’emprisonnement de 10 ans, le double de ce qui était prévu auparavant.

Cette démarche a été condamnée par Reporteurs Sans Frontières qui considère ses modifications comme étant “dangereuses à l’approche des élections législatives”, vu la nature vague des provisions y relatif. Il suffit que quelqu’un soit “annoyed, humiliated, etc” sans avoir à démontrer l’intention de nuire, et les carottes sont cuites pour l’auteur, qui peut être n’importe qui, du simple citoyen au journaliste qui ferait son boulot selon son étiquette.

Mais il y a certainement d’autres sujets de préoccupation comme les inconvénients causés aux citadins et autres, voyageurs par les travaux en vue de mettre sur les rails le plus rapidement possible le métro express, un projet tant décrié par la population vu l’opacité autour du contrat. Sans compter l’arrogance apparente de certains au pouvoir qui semblent faire fi de l’attente des citoyens.

L’action du citoyen mauricien a donc été largement restreinte, ce qui expliquerait dans une certaine mesure sa passivité. Si nos voisins réunionnais ont adopté une attitude musclée, ici on est tout simplement muselé.

A propos de l’auteur
Mauricien résident à Rodrigues, Amanoola Khayrattee est contributeur bilingue chez This Week News. Retraité, ancient syndicaliste et consultant en matière d’hygiene-sécurité au travail, il a été éditeur de journal syndical. Ainsi il a écrit divers articles pour des publications et magazines internes y compris la presse locale. Blogueur depuis 2007, il maintient deux blogues: Alfa King Memories en anglais et Le Journal d’Alfa King en français.
 
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