[Tribune] Au Cœur d’un Sujet Qui Enflamme: La Commission Electorale en Question

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Ce qu’il convient d’appeler l’accrochage Shakeel/Roshi, dans l’émission « Au Cœur de l’Info de Radio Plus » la semaine dernière, fait toujours débat. Comme bon nombre de gens, j’ai suivi ce direct avec beaucoup d’intérêt, quoique en différé.

Pour avoir travaillé à l’occasion de plusieurs élections à différents niveaux jusqu’au plus haut, j’ai mon opinion personnelle en ce qu’il s’agit des dernières élections générales avec  toutes les spéculations de fraudes potentielles qu’on veuille les attribuer : allégations de chiffres contradictoires, de bulletins et d’urnes en vadrouille, et autres points d’irrégularités avec l’usage des moyens du type T-square apparemment mises en avant par certains candidats dans leurs pétitions électorales. Ce n’est pas mon but de creuser dans les bienfondés ou non de tout ce qui a été dit jusque-là sur le déroulement de ces élections. Les instances judiciaires seront sans doute appelées le moment venu à examiner les divers cas devant eux. Ce qui m’intéresse ici c’est la prestation des intervenants et des animateurs de l’émission en question, une prestation pour le moins chaotique. Le niveau semble avoir pris un sale coup jusqu’à descendre visiblement en dessous de la ceinture.

Soit dit au préalable : Je n’ai pas de préférence ni de haine envers qui que ce soit, politique ou autre, surtout pas avec les protagonistes du plateau en question, encore moins avec le commissaire électoral. Et je n’ai non plus aucun lien, de loin ou de près, avec eux. J’ai connu le commissaire en tant que fonctionnaire au fil de mes affectations antérieures aux élections successives. Avec lui, pas de compromis, pas de légèreté, pas de négligence et pas droit à l’erreur dans la conduite de la fonction d’officier électoral. Ceci justement pour le bon déroulement des élections. Et pour cause : les élections doivent se tenir dans des conditions dépourvues de doutes, de favoritismes ou de perceptions de doutes et de favoritismes, donc dans un climat de confiance absolue. Ça c’était des conditions sine qua non au bon vieux temps. Le sont-ils aujourd’hui ? C’est justement sur cela que l’émission en question devait apporter un peu plus d’éclairage, du moins c’est ce que j’ai compris.

Ce qui m’a frappé dans cette émission en direct c’est surtout les réponses précises, percutantes et perspicaces du Commissaire Electoral qui a eu le mérite de démontrer sa maitrise de son dossier. A l’appui, citations des différentes sections des provisions légales régissant les élections pour étayer ses dires. Ce que au moins un des intervenants semblait avoir du mal à cerner pour avoir demandé des justifications à plusieurs reprises. 

Le commissaire a eu raison sur les points discordants par rapport au registre des électeurs. Il a fait référence du tac au tac aux législations gouvernant les points soulevés. Les provisions sont on ne peut plus claires, et cela, le simple officier qu’est le « canvasser », ou le « registration officer », le connait très bien. Il a su paramétrer dans le cadre strictement légal, son intervention au téléphone, se gardant bien de commenter sur des points qui pourraient, selon lui, avoir une incidence quelconque sur les sujets de litige en cours. Ainsi, citant les sections pertinentes, il a soutenu l’authenticité du registre électoral utilisé. Ce registre est, selon ses dires et selon la loi, le Representation of People’s Act, compilé et remis à jour chaque année après enquête sur le terrain à une certaine période spécifique de l’année, notamment vers le début, pour être ensuite publié et assujetti à une vérification par les électeurs avant d’entrer en vigueur vers le mois d’aout. Il a aussi expliqué qu’il n’y avait que 65 Bangladais inscrits dans le registre et que tout a été fait dans le cadre de la loi. À une question de savoir s’il allait « step down », il s’est demandé pour quelle raison. Pour lui la question ne se pose pas. Il a insisté avoir pris sa responsabilité, selon la loi, en toute indépendance vue que sa nomination est constitutionnelle, et non pas politique comme perçu par certains. Si jamais il y a des fautes, c’est aux officiers directement concernés de prendre leur responsabilité, pas lui qui ne peut être omniprésent. Et donc il va partir le moment venu, et non pas à l’insistance des politiciens, à moins qu’il soit trouvé coupable de fraude par une cour de justice. Il importe de souligner que les protagonistes disent ne rien lui reprocher au niveau personnel tout en ayant des réserves sur la façon dont les dernières élections se sont déroulées.

Dans un autre ordre d’idées, sans vouloir faire la leçon aux organisateurs de cette émission, le choix des intervenants semble avoir été mal inspiré pour l’occasion. C’est une opinion personnelle. La participation d’académiciens en sus de politiciens aurait, en toute modestie, apporté beaucoup plus de lumière sur ce qui est perçu comme des zones d’ombres. En fin de compte qu’est-ce que la population attend d’un tel débat si ce n’est de voir un peu plus clair sur ce qui a pu être à l’origine des manquements, s’il y en a eu ?   

Shakeel Mohamed, pour tout l’effort qu’il a fait d’amener la discussion autour de la portée jalousement légale, a dû se rendre à l’évidence de sa position embarrassante de par son lien de parenté avec le commissaire. Et c’est là justement où le bât blesse quant au choix d’intervenant. De son côté Roshi Bhadain, perçu souvent de trop vouloir monopoliser la parole avec une insistance propre à lui dans un élan d’essayer de faire taire l’adversaire en face, s’est laissé aller dans des calomnies, repris tour à tour par Shakeel Mohamed, malheureusement inappropriées pour la circonstance. Quel gâchis pour ces hommes en toge. Heureusement pour le commissaire qui ne s’est pas laissé prendre au piège de ce qui ressemblait étrangement à une démagogie politique. Lui qui a finalement pris le dessus sur les autres tant les discussions piétinaient. N’était son intervention, on aurait eu à se contenter des arguments pour le moins stériles sur le plateau.

Nul doute, l’audience semble être restée sur sa faim. À voir les réactions sur les réseaux sociaux et même dans la presse, la déception est palpable, tant l’attente était grande. L‘accessoire aurait pris le dessus sur l’essentiel. Les intervenants, politiciens avertis de surcroit, se rendent-ils compte que les quolibets politiques n’ont leur place que sur des « caisses savons » plutôt que sur un plateau public en live vu par des milliers de personnes pour un débat sur un sujet d’intérêt national ?

Au final la question de savoir « Comment rétablir la confiance dans le processus électoral? » autour de laquelle le débat devait s’orienter, est restée dans une large mesure sans réponse. Et le débat s’est glissé lamentablement sur le terrain des attaques personnelles hors sujets frôlant parfois le vulgaire, digne des querelles d’enfants, dont les animateurs auraient pu nous épargner.

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