Pollution aux particules ou à l’ozone: une carte interactive permet désormais de connaître à tout moment la qualité de l’air à travers l’Europe, un outil pour tenter de mobiliser contre un “tueur invisible” qui cause plus de morts que les accidents de la route.
Cet “indice européen de la qualité de l’air”, mis en ligne jeudi par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) et la Commission européenne (https://airindex.eea.europa.eu), centralise heure par heure les données de plus de 2.000 stations de mesures en Europe.
“Informer les citoyens leur donne les moyens (…) de demander au système politique de continuer à améliorer la qualité de l’air dans nos villes”, a expliqué à l’AFP le directeur de l’AEE Hans Bruyninckx, en marge du premier Forum européen sur la qualité de l’air (Clean Air Forum) à Paris.
Des points de différentes couleurs marquent les stations sur la carte, du vert clair au rouge foncé qui témoigne d’un niveau “très mauvais” pour au moins un des cinq polluants de référence: ozone, dioxyde d’azote, dioxyde de soufre, particules PM10 (diamètre inférieur à 10 microns) et particules fines PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5 microns).
Seuls des points gris apparaissent dans plusieurs Etats membres de l’AEE, comme l’Italie ou la Turquie, qui ne transmettent pas leurs données pour l’instant.
La carte représente un instantané de la qualité de l’air à une heure précise sur les deux derniers jours, mais cliquer sur un point permet aussi d’accéder à un résumé de la situation des 100 jours précédents. Une fiche pays fournit également un aperçu de la pollution annuelle moyenne et des morts prématurées qu’elle provoque.
“En Europe, les morts prématurées liées à la pollution de l’air sont environ 15 fois plus élevées que les morts dans les accidents de la route”, a commenté le commissaire européen à l’Environnement Karmenu Vella.
Maladies cardiaques, attaques, cancer des poumons… La pollution aux particules fines PM2,5, qui s’infiltrent profondément dans les poumons, a provoqué à elle seule en 2014 428.000 décès prématurés dans 41 pays européens, dont presque 400.000 dans l’UE, selon un rapport de l’AEE publié en octobre.
Transports, industrie, agriculture
Et si la qualité de l’air s’est globalement améliorée en Europe ces dernières années, une partie importante de la population, surtout dans les villes, reste exposée à une pollution qui dépasse les normes européennes, et a fortiori les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus strictes.
“Plus de 80% des citoyens des villes européennes vivent avec une qualité de l’air qui n’est pas à la hauteur des normes de l’OMS”, a ainsi souligné M. Bruyninckx.
Le nouvel indice ne va évidemment “pas résoudre le problème”, a noté Louise Duprez, du Bureau européen de l’Environnement qui fédère une centaine d’ONG. Mais “on n’aura pas d’actions vraiment ambitieuses et nécessaires s’il n’y a pas une prise de conscience des citoyens”, a-t-elle ajouté, notant le “déséquilibre” en terme d’information entre les pays européens.
Or le chantier est immense pour tenter de réduire les émissions venant de sources très variées, des transports aux industries en passant par les ménages ou encore l’agriculture, responsable d’une part importante des particules fines respirées dans les villes.
Restrictions au trafic routier, voitures et bâtiments propres, énergies renouvelables, changement de pratiques agricoles… Si la population n’est pas consciente des dangers, les changements nécessaires à l’amélioration de la qualité de l’air seront plus difficiles à faire accepter, a souligné une source européenne.
A Paris, le modèle de mobilité “a été construit autour de la voiture (…) et ce modèle a la vie dure”, a ainsi constaté la maire Anne Hidalgo, qui souhaite ne plus avoir de voitures à essence dans la capitale française à l’horizon 2030.
Pour partager informations et innovations entre grandes métropoles mondiales, la mairie a officiellement lancé jeudi un “Observatoire mondial de la qualité de l’air” (Guapo).
Mais si la volonté de certaines villes comme Paris, Londres ou Madrid de s’attaquer au problème à leur niveau est louable, souvent “on a un problème de manque d’ambition des Etats”, a regretté Louise Duprez.